Maison Dandoy fait rimer tradition avec innovation et repense son modèle économique pour concilier pérennité de l’entreprise et respect des limites planétaires.
Maison Dandoy incarne bien plus qu’une enseigne de biscuits à Bruxelles. Elle est l’un de ces repères patrimoniaux qui traversent le temps. Pourtant, en 2024, l’entreprise change de stratégie : abandonner les exportations lointaines pour relocaliser son modèle. Pas à cause des chiffres ni pour suivre une mode, mais pour répondre à une question essentielle : comment produire en respectant le vivant ?
Nous avons échangé avec Antoine Helson, co-dirigeant de Maison Dandoy. Voici un condensé de cet échange passionnant.

Antoine, Bernard et Alexandre Helson
Une stratégie audacieuse : arrêter les exportations lointaines
Quelles étaient les principales destinations de vos exportations ?
Antoine Helson : on exportait principalement vers le Japon. Aussi, il y avait eu dans le passé un projet de développement autour de nos gaufres, plébiscitées par les touristes, via un point de production et de vente implanté là-bas. On envoyait aussi ponctuellement des biscuits aux États-Unis pour des cadeaux d’affaires. Mais exporter nos produits par avion vers ces destinations lointaines n’avait plus de sens, car on a mis le vivant au cœur de notre stratégie (humain et non-humain). Via l’e-shop, nous envoyons des biscuits uniquement vers des pays proches de la Belgique.
Notre grand-père nous disait toujours : « La meilleure exportation, c’est le tourisme : nos clients qui viennent dans nos boutiques et qui ramènent nos produits dans leur pays d’origine, ce sont nos plus grands exportateurs. »
Dans quelles mesures les crises récentes, telles que la crise Covid ou la criseénergétique, ont-elles influencé votre décision de relocaliser vos activités ?
Antoine : Ces choix sont motivés par nos convictions et on voit qu’ils vont dans le sens de nous protéger face à toutes ces crises que l’on va connaître qu’elles soient climatiques, économiques ou autres.
Un modèle économique plus robuste et résilient
Comment la notion de robustesse s’intègre-t-elle dans votre vision ?
Antoine : Nous nous inspirons des travaux d’Olivier Hamant sur la robustesse pour développer une entreprisecapable de faire face aux crises. C’est encore en phase d’expérimentation, le sujet est vaste, mais on fait le choix de miser sur notre territoire et notre communauté locale pour mieux faire, plutôt que toujours faire plus.
Comme le rappelle O. Hamant, le culte de la performance a conduit au chaos actuel. Beaucoup trouvent notre démarche osée et courageuse, mais nous sommes convaincus que suivre le chemin de la RSE et œuvrer pour un monde plus durable et plus humain est aussi la clé de survie de l’entreprise.
Dandoy fêtera ses 200 ans en 2029, et ses choix passés lui ont permis de traverser chaque crise. Nous croyons, avec mon frère Alexandre, que les décisions que nous prenons aujourd’hui continueront de nous réussir.
Comment gérez-vous les risques financiers liés à ce recentrage ?
Antoine : Trouver un équilibre entre les trois piliers « personne, planète et profit » est essentiel pour notre entreprise. On a beaucoup investi dans le pilier « people » et dans « planète », mais la réalité financière reste un défi incontournable.
Avec la forte volatilité des prix, le beurre, notre matière première principale, a pris plus de 70 %. Notre marge est directement impactée. Pour réduire notre exposition à ce système spéculatif, nous cherchons à relocalisercertaines filières.
C’est ce que nous faisons déjà pour la farine : en travaillant avec Farmforgood, une coopérative de producteurs locaux. La farine nous coûte 30 % plus cher, mais elle est transparente, locale et hors du marché spéculatif, que nous jugeons inadapté pour des matières premières aussi essentielles que notre alimentation.
Sortir du système spéculatif pour faire face aux incertitudes
Ndlr. Ici, le beurre a flambé et les prix font le yoyo. Dans ces cas-là, les chaînes d’approvisionnement s’affolent. C’est pour cela que Maison Dandoy a décidé de reprendre la main : plutôt que de subir les règles d’un marché qu’elle ne peut contrôler, la maison s’ancre sur son territoire et contractualise. Relocaliser, convenir d’un prix juste avec les producteur·ices, c’est moins de marge à court terme, mais plus de robustesse. Et surtout : une stratégie éthique qui résiste aux crises.
Comment les clients et partenaires de votre entreprise ont-ils réagi ?
Antoine : Ceux qui partagent notre vision nous soutiennent. D’autres, plus axés sur le profit immédiat, comprennent moins. Mais nous sommes très alignés en interne sur une croissance raisonnée qui permettra de faire vivre Maison Dandoy encore 200 ans.
En interne, cette relocalisation a-t-elle été un bouleversement ?
Antoine : En interne, pas de chamboulement : nous sensibilisons progressivement nos collaborateurs depuis la reprise, notamment autour de notre label B Corp obtenu en 2024.
Ndlr. Le label B Corp met en lumière les acteur·ices d’une autre économie, bénéfique à tous les humains et au vivant dont il font partie.
En tant qu’entreprise exemplaire, quelles sont vos ambitions pour les prochaines années ?
Antoine : Continuer à transitionner vers des matières premières bio et régénératives, rester fidèle à notre manifeste, et diversifier intelligemment nos activités. Pourquoi pas, demain, créer une « Dandoy Academy » pour transmettre notre savoir et notre vision durable.
Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneur·es pour évoluer vers un modèle économique robuste ?
Antoine : Se reconnecter au vivant, comprendre l’interdépendance de son modèle économique avec l’environnement et l’humain. C’est important de se faire entourer de bonnes personnes pour établir un fil conducteur à ses actions. On n’est plus dans le temps du brainstorming, on est dans la décennie de l’action. L’entreprise de demain doit être régénérative : elle doit avoir un impact positif sur l’humain, l’environnement et l’économie locale.
Pour conclure…
Maison Dandoy démontre que tradition est compatible avec transition. En repensant son modèle, la marque propose une autre lecture de la réussite : celle qui privilégie l’impact positif sur son territoire et préserve l’environnement. Se reconnecter au vivant et aux écosystèmes est une voie qui appelle l’expérimentation, mais qui est indispensable pour celles et ceux qui veulent continuer à durer.
Les modèles économiques robustes, ça vous passionne ? Consultez également notre article dédié.
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