Face aux défis environnementaux et logistiques en milieu urbain, la cyclo-logistique pourrait bien révolutionner la livraison en ville. Mais qu’en est-il vraiment ? À travers les points de vue d'experts, démêlons le vrai du faux et faisons le point sur l'avenir de ce...
Cyclo-logistique : la solution pour redessiner la mobilité en ville ?
Face aux défis environnementaux et logistiques en milieu urbain, la cyclo-logistique pourrait bien révolutionner la livraison en ville. Mais qu’en est-il vraiment ? À travers les points de vue d’experts, démêlons le vrai du faux et faisons le point sur l’avenir de ce mode de transport innovant.
Pour mieux comprendre les enjeux de la cyclo-logistique, nous avons proposé à nos expertes en mobilité chez Groupe One, Léa Raymakers et Melina Keroulis, de réagir aux idées reçues sur la livraison à vélo. Elles nous expliquent comment le vélo cargo s’intègre dans nos villes, quels défis il reste à relever et pourquoi il pourrait bien devenir un acteur clé de la livraison urbaine.
En ville, un colis livré à vélo arrive en moyenne plus vite chez son destinataire que s’il est livré en camionnette. Vrai ou faux ?
Vrai !
Melina : Le vélo circule plus rapidement en milieu urbain, notamment parce qu’il permet d’éviter certaines files et d’utiliser des rues non-accessibles aux véhicules motorisés. L’utilisation du vélo diminue la congestion du trafic en ville. Il faut aussi prendre en compte la plus grande facilité de stationnement par rapport aux camionnettes qui prennent plus de place.
Léa : Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que la cyclo-logistique en ville s’organise autour de centres logistiquessitués à différents endroits dans la ville. Les déplacements sont calculés et optimisés autour de ces centreslogistiques. Aujourd’hui, on pourrait utiliser les infrastructures de cyclo-logistique pour au moins 30% des livraisons de colis qui seraient livrés plus rapidement et avec plus de flexibilité tout en étant meilleur pour l’environnement.
Selon une étude de l’Université de Westminster, les livraisons de colis à vélo sont 60% plus rapides que celles effectuées en camionnette.
Un paquet livré à vélo émet 10x moins de CO2 qu’un paquet livré en camionnette. Vrai ou faux ?
Faux ! C’est bien plus.
Melina : C’est 40 fois moins, lorsque l’on compare une livraison faite à vélo à une livraison effectuée en camionnette diesel (ndlr : d’après des chiffres mis en avant par la Belgian Cycle Logitics Federation).
L’impact en matière d’émissions de CO₂ est 40 fois moindre pour un colis livré à vélo, en comparaison avec une livraison effectuée en camionnette diesel.
Les vélos-cargo, au milieu du trafic, c’est safe… Vrai ou faux ?
C’est un challenge !
Melina : L’attitude des conducteur·rices en milieu urbain, c’est une discussion plus large. Cependant, les cyclo-logisticien·nes sont tous des professionnel·les. Ils savent comment conduire en ville, dans la circulation, ils ont un itinéraire préétabli et passent là où les aménagements sont favorables à ce type de circulation. Pour leur sécurité ils et elles portent bien sûr un casque de protection. Concernant les colis, ils sont protégés et arrivent en bon état. Un grand plus à l’avenir, ça serait d’avoir des pistes cyclables séparées de la route, partout en ville !
Léa : J’ajouterais que ces cyclistes sont tou·te·s formé·es et roulent à vitesse réduite, ce qui permet parfois d’éviter des accidents graves. Si on parle des usagers plus vulnérables comme les piétons, c’est plus safe de faire circuler les vélos cargos. Le challenge se situe donc au niveau de la cohabitation avec les véhicules motorisés. On voit que des efforts sont réalisés en région bruxelloise, notamment via le plan Good Move de Bruxelles Mobilité. Il faut continuer sur cette voie.
Les pistes cyclables séparées des routes sont les infrastructures idéales pour un fonctionnement optimal de la cyclo-logistique en milieu urbain et pour maximiser la sécurité des livreur·euses.
Ça ne vaut pas la peine d’investir dans la cyclo-logistique. Les impacts sociaux, économiques et environnementaux sont mineurs… Vrai ou faux ?
Faux et re-faux !
Melina : Premièrement, car la demande de livraison est croissante avec le développement de l’e-commerce. La cyclo-logistique permet de couvrir une partie de cette demande. Les revenus et le nombre d’emplois du secteur ne font qu’augmenter d’année en année. Ensuite, je pense à l’impact social : le permis B n’est pas nécessaire, tout le monde peut se former pour la conduite de vélo cargos, y compris les personnes plus éloignées de l’emploi. En plus, les cyclo-logisticiens bénéficient généralement d’un contrat de travail plus durable et sont rémunérés de manière éthique, en opposition aux livreur·euses indépendant·es qui travaillent au service de certaines grosses entreprises de livraison à domicile comme Uber Eats ou Deliveroo.
Léa : Effectivement, aussi bien en termes sociaux, environnementaux et économiques, il n’y a que des bénéfices : les colis sont livrés plus vite donc le système est plus efficace, ça pollue moins, ça crée de l’emploi et c’est moins cher d’acheter un vélo cargo qu’une camionnette, tant au niveau du prix d’achat que des frais de fonctionnement.
Création d’emplois dans des conditions éthiques,
Efficacité accrue grâce aux colis livrés plus vite,
Réduction des émissions de CO₂ et des frais de fonctionnement par rapport à la livraison en camionnette.
On ne peut pas remplacer toute la logistique actuelle par de la cyclo-logistique… Vrai ou faux ?
Vrai, mais on peut l’intégrer dans un système multimodal !
Léa : D’abord, il est important de souligner que 30% des livraisons de marchandises et 50% des déplacements professionnels d’entrepreneur·es en milieu urbain pourraient être effectués à vélo. Ensuite, comme le prône Bruxelles Mobilité, la solution est d’intégrer la cyclo-logistique dans un système de transport multimodal. L’idée est que les marchandises soient livrées par transport routier, ferroviaire ou fluvial dans des zones de dépôt aux abords de la ville et qu’ils soient livrés pour « le dernier kilomètre » à vélo chez les destinataires. Évidemment ça fonctionne dans l’autre sens également.
Dans un système mutlimodal, la cyclo-logistique intervient lors du transport des marchandises sur les premiers et derniers kilomètres en alternant avec les eaux et/ou les rails et/ou les routes.
C’est aux grosses entreprises logistiques de trouver des solutions. Vrai ou faux ?
L’objectif, c’est que les acteurs s’unissent pour agir ensemble !
Léa : Les solutions existent déjà en ce qui concerne la mobilité. L’idéal serait que politiques, petits et gros acteurs travaillent ensemble pour les utiliser et continuer à les développer pour le transport de marchandises.
Melina : Agir pour une meilleure qualité de l’air et une meilleure qualité de vie dans les centres urbains mérite une collaboration entre tous ces acteurs. Le challenge est d’avancer vers une vision commune et cohérente pour tous et toutes.
Les TPE/PME, notamment les entreprises de services ne sont pas concernées par la logistique. Vrai ou faux ?
Faux !
Melina : Que ce soit pour livrer ou se faire livrer, toutes les entreprises sont concernées par la logistique, même sans devoir livrer de marchandises (livraison de matériel de bureau, de mobilier, déplacements professionnels…). On peut toujours s’interroger sur le type de logistique qu’on a envie de mettre en œuvre. Pour reprendre la spécificité des entreprises de services, tu peux avoir à te déplacer pour offrir ton service, donc dans beaucoup de cas, la transition vers la cyclo-logistique est totalement applicable. De plus, un nombre croissant de TPE et PME se lancent aussi dans l’e-commerce et c’est intéressant pour ces entreprises de faire appel à la cyclo-logistique.
Il y a un manque de solutions logistiques pour les TPE/PME… vrai ou faux ?
Faux, on a des pistes !
Léa : C’est faux. Groupe One, par exemple, a déjà mené un projet impliquant la cyclo-logistique : Bike Delivery. Pendant la crise COVID, les livraisons ont significativement augmenté et les petits entrepreneur·es ont dû faire face aux changements de comportements d’achat et à la concurrence de grandes multinationales concernant les livraisons. Groupe One, Bruxelles Économie et Emploi, Bruxelles Mobilité et Urbike ont collaboré pour offrir une solution aux entrepreneur·es lésé·es par la crise sanitaire. D’abord avec le projet MaZone qui a évolué jusqu’à Bike Delivery : un prototype de livraisons mutualisées qui vit aujourd’hui entre les mains de Velo Cargo, acteur local de la cyclo-logistique.
Melina : Nous venons aussi d’obtenir une réponse positive pour le développement du projet Shifting Urban Logistics en collaboration avec Urbike et Bruxelles Mobilité. Il s’agit d’un accompagnement pour sensibiliser et transformer la logistique des acteur·rices économiques bruxellois, quel que soit le type de public bénéficiaire (pouvoirs publics, petites et grandes entreprises, auto-entrepreneur·es,…) ou leur secteur d’activité. L’objectif est d’informer et d’implanter des solutions efficientes de cyclo-logistiques adaptées à leurs besoins. C’est important de souligner que ces projets réalisés localement ont pour finalité de créer de l’impact social et environnemental positif et de redynamiser l’économie locale.
Il est nécessaire d’accompagner tous les acteurs économiques pour que la cyclo-logistique en ville devienne la nouvelle norme… Vrai ou faux ?
Vrai de vrai !
Melina : C’est pour ça que le projet Shifting Urban Logistics s’adresse à tout type de public et dans tous secteurs confondus : construction, commerce, … Et effectivement, un accompagnement est nécessaire car, pour concrétiser une transition, c’est important de donner les outils aux parties prenantes pour leur permettre de réaliser leur changement et suivre leur parcours. C’est comme apprendre à rouler à vélo quand tu es enfant, on te donne la main et, petit à petit, tu y arrives seul·e.
Léa : Je pense que tout le monde doit s’adapter pour face aux changements et crises à venir pour être plus résilient . Et comme toute solution résiliente et efficace, il faut donner les moyens de la mettre en place et de la rendre pérenne. Il ne s’agit pas d’utiliser juste une fois la cyclo-logistique. Il s’agit d’observer sa propre activité dans son ensemble, constater que les questions logistiques sont bien plus présentes qu’on ne le pense et comprendre comment la cyclo-logistique peut s’intégrer dans notre système et même faciliter le quotidien. L’accompagnement Shifting Urban Logistics permettra d’avoir une équipe pluridisciplinaire qualifiée pour faire le diagnostic et mettre en place efficacement des solutions.
Melina : Oui, il faut voir l’entièreté du fonctionnement de l’entreprise pour voir qu’est-ce qui pourrait être fait autrement, dans le cœur de métier ou dans tout ce qui l’entoure : les commandes de fournitures, de consommables, …
La seule chaîne qui libère, c’est celle du vélo… vrai ou faux ?
C’est vrai (et c’est beau) !
Melina : C’est tellement philosophique (rires). Au-delà des bénéfices sociaux et environnementaux, c’est même bon pour la santé. Au détour de discussions j’ai pu entendre que les livreur·euses à vélo ressentaient des effets positifs sur leur santé, ils et elles se sentaient plus en forme et avaient moins mal au dos après deux semaines de test de vélo cargos.
Léa : Rien à ajouter, je valide fortement cette punchline !
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