Face aux défis environnementaux et logistiques en milieu urbain, la cyclo-logistique pourrait bien révolutionner la livraison en ville. Mais qu’en est-il vraiment ? À travers les points de vue d'experts, démêlons le vrai du faux et faisons le point sur l'avenir de ce...
L’accessibilité alimentaire : un enjeu majeur pour nos sociétés modernes
Alors que les demandes d’aide alimentaire montent en flèches et que le budget alloué à la nourriture de qualité diminue, la question de la sécurité alimentaire apparaît comme un enjeu essentiel de notre société actuelle. Analysons cette question épineuse et les pistes de solutions.
1er constat : une précarité alimentaire en hausse
En Belgique, on estime qu’une personne sur cinq est en situation de précarité. Cela signifie qu’avec un revenu mensuel faible, il leur est impossible de faire face à toutes les charges d’un ménage, l’alimentation incluse.
L’aide alimentaire se multiplie
Aujourd’hui, d’après le mémorandum 2024 de la Concertation d’Aide Alimentation à l’initiative de la Fédération des Services Sociaux, ce sont environ 600 000 personnes qui ont recours à des services sociaux d’aide alimentaire. Cela représente une augmentation de 30%, comparé aux chiffres d’avant les différentes crises connues depuis 2020. Ces aides prennent différentes formes :
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- La distribution de colis alimentaires contenant des denrées essentielles
- Les restaurants sociaux qui proposent un repas chaud aux personnes en difficulté
- Les épiceries sociales où les bénéficiaires peuvent acheter des produits alimentaires à des prix réduits
- Les frigos solidaires pour permettre aux particuliers de partager des aliments frais et non périssables
Ces initiatives, qui se dénombrent par centaines sur le territoire belge, manquent cruellement de moyens financiers et il est forcé de constater que la qualité de l’alimentation fournie par ces services d’aide alimentaire ne peut pas toujours être assurée.
Un droit essentiel
Pourtant, l’accessibilité alimentaire est essentielle. Il s’agit de la capacité des individus à obtenir des aliments de qualitésuffisamment nutritifs pour répondre à leurs besoins alimentaires. Dans une interview auprès de GoodFood.brussels, Laurence Van Malder, chargée de projet chez Groupe One et coordinatrice du projet V.R.A.C. (Vers un Réseau d’Achat et Commun) souligne que :
« C’est tout simplement un droit humain. Quoi de plus nécessaire que manger ? C’est synonyme de partage, de nourriture bien sûr, mais aussi de bons moments. (…) Avoir accès à des produits de qualité est un pas vers une vie humainement plus appréciable et plus digne. »
2ème constat : l’alimentation durable est peu accessible
Et d’abord, qu’entend-t-on par « alimentation durable » ?
Une alimentation durable intègre des critères de qualité tels que ceux proposés par le label Bio, que l’industrie agro-alimentaire n’intègre généralement pas :
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- la production de produits sains sans utiliser des produits phytosanitaires nocifs pour la santé des consommateur·rices et la biodiversité,
- le respect du bien-être animal,
- le respect de la vie des sols,
- le respect de l’environnement et de la biodiversité,
Cependant, le concept d’alimentation durable est plus large que les directives du cahier des charges du label Bio. Pour qualifier une alimentation de durable, celle-ci doit également respecter les critères suivants :
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- une production non-transformée, issue des circuits-courts et de saison,
- une rémunération juste des agriculteur·ices,
- des conditions de travail éthiques et correctes pour les travailleur·euses,
- la viabilité des petits acteurs locaux.
L’alimentation durable est peu accessible car méconnue
Selon Hervé Léonard, expert en alimentation durable et responsable de projets de recherche et innovation chez Groupe One, il est primordial de rétablir une image positive du label bio et de l’alimentation durable en général :
« Les médias ont plutôt cassé l’image du bio notamment en diffusant des reportages sur certaines dérives, qui généralement des cas isolés. »
Il est donc important de diffuser à grande échelle une information plus objective auprès de la population, toute classe sociale confondue, afin de sensibiliser de façon régulière aux vrais coûts de l’alimentation. En règle générale, le public est mal informé et ne peut pas prendre la mesure des plus-values de consommer durablement. C’est la porte ouverte aux idées reçues et aux amalgames :
« Aujourd’hui, certaines personnes pensent même qu’il n’est plus possible de produire du bio parce que l’air est pollué. Ou encore, il y a confusion et assimilation de l’étiquette politique écolo au label bio. Ceci est dû à la méconnaissance de ce qu’est réellement le bio. »
L’alimentation durable est peu accessible car chère, vraiment ?
Mais qu’entend-t-on par « chère » ? Alors qu’en 1960, les ménages consacraient en moyenne 30% de leur budget à l’alimentation, aujourd’hui ce budget n’est plus que de 13%. Cette diminution provient, d’une part, du fait que le volume de la consommation d’alimentation a moins augmenté que la consommation des autres catégories de biens et de services, comme le logement ou la santé. Mais on constate, d’autre part, que la part de budget consacré à des besoins secondaires comme la télécommunication ou les loisirs a également augmenté, laissant peu de marge pour le choix d’une alimentation de qualité.
Par ailleurs, la notion de coût de l’alimentation doit être vue de manière plus large, et notamment englober l’éthique, les effets sur la santé, l’environnement et sur le bien-être sociétal. Le système agro-alimentaire conventionnel a des coûts cachés importants : en réalité, les consommateur·trices voient leurs dépenses de santé augmenter (et par conséquent leurs impôts aussi), les producteur·trices sont rémunéré·es injustement et les générations futures héritent d’une dette écologique catastrophique. C’est en tenant compte de ces aspects que l’on peut évaluer le vrai coût de l’alimentation.
Pourquoi l’accessibilité alimentaire représente-t-elle un enjeu majeur de notre société ?
D’après Hervé Léonard, « nos sociétés humaines s’apprêtent à vivre des changements inédits. Pour s’adapter à ces changements, il est impératif de faire transiter nos systèmes alimentaires vers des modèles durables et résilients. C’est l’une des missions que nous poursuivons depuis plusieurs années chez Groupe One ».
Nous avons pu constater lors des dernières crises majeures (la crise COVID et ensuite la crise énergétique, la crise agricole) le retour d’une certaine précarité. Les réactions tant des pouvoirs publics que des consommateurs convergent : les enjeux environnementaux sont évacués des préoccupations au profit d’une réduction des coûts. Le secteur alimentaire durable s’est vu tourné le dos au profit d’une alimentation low-cost.
Les changements en cours et à venir ramènent donc la sécurité alimentaire au centre des préoccupations, avec de surcroît une contrainte environnementale forte vu l’impact du système alimentaire sur la biodiversité et sur les émissions de carbones. A court terme, ces enjeux sont en opposition. Toutefois, à long terme, il se pourrait qu’il ne puisse y avoir d’accessibilité alimentaire pour tous qu’à condition d’avoir un système alimentaire résilient, capable de s’adapter aux différentes crises, un système qui est davantage ancré dans la production locale, moins dépendant des importations et des énergies fossiles.
IL nous paraît donc important de promouvoir des initiatives qui tentent d’allier les deux préoccupations : l’accessibilité et la durabilité de l’alimentation.
L’émergence de réponses pour la sécurité alimentaire
Les pouvoirs publics ont un rôle clé pour adresser ces défis. C’est notamment grâce à ce soutien que projets comme V.R.A.C. (Vers un Réseau d’Achat en Commun) ont pu voir le jour. Le principe de cette association, née en France en 2013, repose sur l’achat groupé appliqué aux aliments de qualité, tels que définis plus haut, permettant ainsi d’obtenir des prix plus avantageux. En visant prioritairement les consommateur·trices précarisé·es, V.R.A.C. lutte contre la précarité des deux côtés du système alimentaire : rendre les produits de qualité plus accessibles, tout en assurant un revenu juste pour les producteur·trices.
En 2022, les équipes de Groupe One ont combiné leur expertise et leur compétences entrepreneuriales pour développer le réseau V.R.A.C. à Bruxelles. Désormais bien implantée, Groupe One œuvre à autonomiser cette jeune asbl bruxelloise et étend le projet en créant une nouvelle asbl V.R.A.C. à Charleroi en Wallonie.
Quelles seraient les pistes d’action pour que tout le monde ait accès à une alimentation de qualité ?
Pour répondre à cette question, il est important de se rappeler qu’il s’agit de tout un système à déconstruire pour pouvoir arriver à une nouvelle façon de produire et de consommer. Voici quelques pistes d’action vers le changement :
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- Arrêter de soutenir les modèles qui ne sont pas durables,
- Sanctionner les pratiques nocives pour la santé, l’environnement et les conditions de travail indignes,
- Valoriser les modèles durables et les rémunérer pour leur exemplarité,
- Informer et sensibiliser le public sur l’alimentation durable et bio, et ce de manière régulière,
- Favoriser le circuit-court et relocaliser nos systèmes alimentaires, ce qui permet à la fois de consommer mieux mais aussi de faire face aux crises mondiales,
- Agir sur la restauration collective et proposer gratuitement les repas dans les écoles.
Concernant ce dernier point, des actions sont mises en place dans plusieurs écoles en Wallonie grâce au Collectif des Cantines Durables dont Groupe One fait partie.
Aussi pour diminuer la précarité alimentaire au profit de l’accessibilité alimentaire, il est important de :
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- S’attaquer à l’aide alimentaire classique et au manque de moyen des organisations qui sont contraintes actuellement de se diriger vers des produits industriels à bas prix,
- Laisser à ce public l’opportunité de choisir comment consommer en augmentant ses moyens financiers (le revenu minimum, par exemple).
Forte heureusement, un collectif d’association, le CréaSSA, créé en 2021 à l’initiative de FIAN, se réunissent de façon informelle pour penser, questionner, construire et porter un projet de sécurité sociale de l’alimentation en Belgique. Si de nombreux freins semblaient présents auprès des pouvoirs publics, ceux-ci ont, à force de discussions, montré un intérêt sur la question. Le sujet avance donc dans la sphère politique, cependant au vu des derniers résultats électoraux, nous espérons que les nouvelles formations politiques prendront aussi conscience de l’importance de l’accessibilité à l’alimentation durable dans les politiques futures.
Affaire à suivre…
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